Comment les pays créanciers décident en RDC ?

mardi 1er décembre 2009, par Le Potentiel

Kinshasa, 01/12/2009. Le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (Cadtm) s’inquiète de l’avenir économique de la RDC et dénonce le diktat du Club de Paris. Mais, c’est le prix à payer pour prétendre en 2010 au point d’achèvement de l’Initiative PPTE.

La RDC a fini par franchir, non sans difficulté, l’étape du Club de Paris. Les 19 créanciers réunis dans cette « non institution » se sont finalement prononcés sur les assurances financières à intégrer dans le programme en négociation avec le FMI.

La RDC s’achemine vers la signature du deuxième programme économique du gouvernement (PEG II) avec le Fonds monétaire international. Cela après que les 19 créanciers du Club de Paris se sont prononcés sur les assurances financières à intégrer dans ce Peg II.

Mais, pour parvenir à ce résultat, la RDC a dû faire de nombreuses concessions, allant jusqu’à porter des amendements aux contrats chinois. Elle a en fait certainement d’autres, sans doute, en rapport aux conclusions de la revisitation des contrats miniers pour… faire assouplir le Canada.

Le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (Cadtm) s’inquiète de l’avenir économique de la RDC et dénonce le diktat du Club de Paris. Mais, c’est le prix à payer pour prétendre en 2010 au point d’achèvement de l’Initiative PPTE.

Les 19 pays créanciers composant le Club de Paris se sont réunis le 18 novembre pour examiner le cas de la République démocratique du Congo (RDC), après deux reports liés à la révision du très controversé contrat chinois.

Ce contrat, qui hypothèque de gigantesques quantités de minerais au profit de la Chine en échange de la construction d’infrastructures en RDC, a finalement pu être révisé dans le sens souhaité par les bailleurs de fonds occidentaux représentés par le FMI.

Suite à cela, l’affaire semblait réglée : le Club de Paris allait accorder les assurances financières demandées par le FMI pour conclure un nouveau programme de 3 ans avec le gouvernement congolais d’ici la fin 2009 et effacer début 2010 une partie importante de sa dette extérieure publique.

Loin s’en faut ! Le Club de Paris a décidé, à son tour, de « faire chanter » la RDC en exigeant le maintien de deux contrats léonins signés avec des transnationales occidentales.

Le Club de Paris prouve une fois encore qu’il est une instance gouvernée par le Nord dans laquelle les pays du Sud ne jouent qu’un rôle de figurant. Aucun membre du gouvernement congolais n’a été invité aux discussions menées à Bercy, au ministère français des Finances, où siège le Club de Paris.

Ce Club se définit lui-même comme une « non-institution » n’ayant pas de personnalité juridique. L’avantage est clair : le Club de Paris n’encourt aucune responsabilité quant à ses actes et ne peut donc être poursuivi en justice puisqu’officiellement, il n’existe pas !

Pourtant, ses décisions sont lourdes de conséquences pour les populations du tiers-monde car c’est en son sein qu’est décidé, de concert avec le FMI et la Banque mondiale, si un pays endetté du Sud « mérite » un rééchelonnement ou un allégement de dette.

Lorsqu’il donne son feu vert, le pays concerné, toujours isolé face à ce front uni de créanciers, doit appliquer les mesures néolibérales dictées par ces bailleurs de fonds, dont les intérêts se confondent avec le secteur privé.

Le 18 novembre dernier, c’est la RDC qui en a fait les frais puisque le Club de Paris a décidé d’aller au-delà de la seule révision du contrat chinois exigée par le FMI en s’ingérant encore plus dans ses contrats miniers, domaine qui relève pourtant de la souveraineté permanente de la RDC, selon le droit international et l’article 9 de sa Constitution.

Officiellement, c’est le risque d’augmentation de la dette congolaise, lié à la garantie d’Etat initialement prévue dans le contrat chinois, qui avait justifié l’ingérence du FMI dans les affaires internes congolaises.

Mais en réalité, la RDC, à l’instar d’autres pays africains regorgeant de ressources naturelles, est le théâtre d’une compétition acharnée entre les pays occidentaux et la Chine, dont l’appétit ne cesse de grandir au point d’être aujourd’hui le troisième partenaire commercial pour l’Afrique derrière les Etats-Unis et la France.

Le Club de Paris est donc l’instrument qu’ont utilisé les pays occidentaux, notamment le Canada et les Etats-Unis, pour exiger du gouvernement congolais qu’il revienne sur sa décision de résilier le contrat ayant donné naissance au consortium Kingamyambo Musonoi Tailings (KMT) et de réviser la convention créant Tenke Fungurume Mining (TFM), dans lesquelles les Etats-Unis et le Canada ont d’importants intérêts.

Les bailleurs de fonds occidentaux appliquent la politique du « deux poids, deux mesures » selon qu’il s’agisse d’un contrat conclu avec la Chine ou avec une entreprise occidentale.

Les intérêts du secteur privé l’emportent sur les considérations de légalité et de développement puisque le caractère frauduleux de ces deux conventions a été rapporté par la Commission de « revisitation » des contrats miniers, mise sur pied en RDC en 2007.

Les Etats du Nord se servent du Club de Paris et des institutions financières internationales, où ils sont surreprésentés, comme d’un cheval de Troie pour s’accaparer les ressources naturelles du Sud.

C’est le trio infernal Club de Paris-FMI-Banque mondiale qui a organisé à partir de 2002 le blanchiment de la dette odieuse de la RDC en restructurant les arriérés laissés par le dictateur Mobutu. Il s’agissait à l’époque de prêter de l’argent au gouvernement pour apurer les vieilles dettes du dictateur, permettre au gouvernement de transition de s’endetter à nouveau tout en lui imposant des politiques antisociales, notamment un nouveau Code minier très favorable aux transnationales.

En 2009, la dette continue d’asphyxier le peuple congolais dont les droits humains fondamentaux sont piétinés pour assurer le remboursement du service de la dette.
Malgré les effets d’annonce des créanciers qui promettaient une annulation de la dette congolaise, celle-ci s’élève aujourd’hui à 12,3 milliards de dollars, soit l’équivalent de la somme réclamée à la RDC au moment de la mort de Laurent Désiré Kabila en 2001…

Or, cette dette est l’archétype d’une dette odieuse, nulle en droit international car elle a été contractée par une dictature, sans bénéfice pour la population et avec la complicité des créanciers. Le gouvernement congolais pourrait donc la répudier, ce qui lui permettrait de surcroît de ne plus accepter les diktats du Club de Paris.

Pour le CADTM, le chantage du Club de Paris n’est pas une surprise : cette instance illégitime est depuis sa création à la fois juge et partie. Elle doit donc être purement et simplement abolie, tout comme la dette de la RDC.

En attendant, le gouvernement congolais doit suspendre unilatéralement le paiement de cette dette, à l’instar de l’Equateur en novembre 2008 et de l’Argentine qui avait décrété en 2001 la plus importante suspension de paiement de la dette extérieure de l’histoire, pour plus de 80 milliards de dollars, tant envers les créanciers privés qu’envers le Club de Paris, et ce sans que des représailles n’aient lieu.

La crise économique nécessite des actes forts et immédiats contre la dette, et au profit des peuples. Pour ce faire, les pays du Sud auraient tout intérêt à constituer un front uni pour le non-paiement de la dette.

Qu’est-ce que le point d’achèvement de l’Initiative PPTE ?

Le point d’achèvement PPTE peut être défini en quelques mots comme étant la date à partir de laquelle un pays qui a été déclaré éligible à l’initiative PPTE (et qui a par conséquent déjà franchi le point de décision), bénéficie de manière irrévocable des allègements de sa dette extérieure.

Le point d’achèvement PPTE implique deux étapes. Dans un premier temps, le pays qui fait preuve d’une bonne performance pendant trois ans, élabore un Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP).

Cependant, un DSRP intérimaire peut suffire pour atteindre le point de décision. Le Club de Paris lui offre un rééchelonnement selon les conditions de Naples, c’est-à-dire un rééchelonnement du service de la dette arrivant à échéance au cours de la période de consolidation de trois ans (jusqu’à 67% de réduction).

D’autres créanciers bilatéraux et commerciaux lui en offrent également au moins en des termes comparables. De même, des institutions multilatérales continuent à appuyer le cadre stratégique de réduction de la pauvreté conçue par les gouvernements avec une grande participation de la société civile et de la communauté des donneurs.

Ici, deux issues sont possibles : Soit l’opération d’encours de la dette du Club de Paris selon les conditions de Naples et des termes comparables par d’autres créanciers bilatéraux et commerciaux est adéquate pour assurer l’atteinte de l’objectif de viabilité au point de décision : le pays n’est pas éligible à l’initiative PPTE.

Soit l’opération d’encours de la dette du Club de Paris selon les conditions de Naples et des termes comparables par d’autres créanciers bilatéraux et commerciaux n’est pas suffisante pour assurer l’atteinte de l’objectif de viabilité au point de décision : le pays est déclaré éligible au point de décision par les Conseils de la Banque mondiale et du FMI.

Dans ce cas, tous les créanciers (multilatéraux, bilatéraux, commerciaux) s’engagent à assurer l’allègement de la dette au point d’achèvement flottant. Le volume d’aide dépend du besoin d’amener la dette à un niveau soutenable au point de décision. Il est calculé sur la base des données les plus récentes disponibles au point de décision.

Ensuite, le pays fait preuve d’une autre bonne performance en mettant en place les politiques déterminées au point de décision qui sont les déclencheurs d’atteinte du point d’achèvement flottant et liées au DRSP (intérimaire).

Dans ce cas, la Banque mondiale et le FMI apportent une aide intermédiaire ; les autres créanciers multilatéraux et bilatéraux ainsi que la communauté des donateurs assurent un allègement de la dette à leur discrétion.

En plus, tous les créanciers continuent d’appuyer le document participatif renforcé. Le pays atteint le point d’achèvement « flottant » lorsqu’il met en œuvre les déclencheurs déterminés au point de décision. Tous les créanciers fournissent l’aide déterminée au point de décision, l’allègement de la dette intérimaire fourni entre les points de décision et d’achèvement est alors considéré comme une aide :

Le club de Paris va au-delà des conditions de Naples pour assurer une plus grande réduction de la dette concessionnelle à des termes allant jusqu’à 90% de la VAN (et même plus si nécessaire) au titre de la dette admissible, afin de permettre au pays concerné de sortir du processus de dette non soutenable ;

De même, les autres créanciers bilatéraux et commerciaux traitent de manière au moins comparable le stock de la dette ;

En plus, les institutions multilatérales prennent des mesures supplémentaires, si besoin est, pour amener la dette du pays à un niveau soutenable, chacun faisant son choix dans un menu d’options et la participation équitable de tous les créanciers concernés.

Source : Digitalcongo.net